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En mémoire du Professeur Riadh Ben Ismail, 1953 -2024

C’est avec une grande émotion que la communauté de l’Institut Pasteur de Tunis a appris le décès de l’une de ses figures de proue, le Professeur Riadh Ben Ismail. 

 

Professeur de Parasitologie et de Médecine tropicale, il fut le disciple du Pr. Marc Gentelini à l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière, Paris, et Pr. Mohamed Sadok Ben Rachid à l'hôpital la Rabta, Faculté de Médecine de Tunis.

Patriote sincère, Leader et Mentor d’avant- garde, homme de science exemplaire, Si Riadh fut une source d’inspiration pour toute la communauté pastorienne, avec sa passion pour la recherche, son enthousiasme communicatif et son leadership indéniable allié à une vision certaine d’une approche multidisciplinaire pour renforcer les capacités de recherche et lutter contre les maladies parasitaires les plus prévalentes en Tunisie et dans le monde.  

« Leishmaniaque » dans l’âme, il fut l’un des pères fondateurs de la dynamique de recherche sur les leishmanioses qui continue à ce jour à impacter l’Institut Pasteur de Tunis et le place, dans ce domaine, au premier rang des institutions les plus productives et reconnues dans le monde arabe et en Afrique, par le nombre et la qualité de sa production scientifique, inspirant plusieurs communautés de chercheurs. Homme de terrain infatigable, il a servi avec passion les populations exposées ou souffrant de ces maladies négligées et d’autres, en Tunisie et dans plusieurs pays de la région méditerranée orientale de l’OMS.

Il fut aussi le fondateur de l’une des 4 premières structures de recherche et de formation de l’Institut Pasteur de Tunis, créant le laboratoire de recherche multidisciplinaire d’Epidémiologie et d’Ecologie Parasitaire en 1989, inscrit sur l’arrêté de capacité en 1993. Avec son dynamisme légendaire. Il a progressivement monté l’équipe y intégrant Dr. Ikram Guizani pour la biologie moléculaire, puis Dr. Afif Ben Salah pour l’épidémiologie; des techniciens supérieurs dont feu Amor Zaatour, Ali Ftaiti, Nabil Bel Haj Hmida qui ont assuré avec lui ses missions sur le terrain; des secrétaires, Nebiha, Aicha Boukthir, Saloua Chater ;  des vétérinaires comme feu Dr. Salah Jedidi, Dr. Iadh Jomaa, Dr. Fethi Diouani ; des médecins dont Dr. Nissaf Ben Alaya ; d’autres biologistes dont Dr. Souha Ben Abderrazak ; des informaticiens dont Sadok Chlif, Adel Gharbi ; des biostatisticiens dont feu Dr. Belhassen Kaabi. Cela sans compter tout le personnel qu’il a mobilisé sur le terrain à Sidi Bouzid, Kairouan, Medjez el Bab, Gbolat, Bir el Euch, Kef, et l’implication des directions régionales de la Santé, de la DSSB, des programmes de lutte et autres parties prenantes avec lesquelles il a tissé de liens solides empreints de respect et d’amitié mutuels (Pr. Mohamed Chahed, Feu Dr. Ali Garraoui, Dr. Bejaoui, Dr. Mourad Mokni pour ne citer que quelques-uns).

Il a transformé l’espace vide attribué en un laboratoire équipé et fonctionnel. Ses premières acquisitions furent une table de travail, un fauteuil roulant, et un ordinateur de bureau (une des premières générations de Mac) essentiels à la rédaction de projets pour lever des fonds. Effectivement, il a drainé, au fil des années, plusieurs fonds de recherche des programmes de l’OMS-TDR, OMS-EMRO, NIH, CRDI, UE-STD2, STD3, INCO-Dev etc.., nécessaires au fonctionnement du laboratoire et à sa visibilité, engageant des partenariats avec plusieurs institutions de recherche dont au Royaume Uni (Pr. Paul Ready, Pr. Debbie Smith, feu Dr. Dick Ashford, feu Dr. Douglas Barker), au Portugal (feu Pr. Pedro Abranches), en Belgique (Dr. Dominique Le Ray), au Canada (Dr. Pandu Wijeyaratne), en Italie, en Jordanie. Il était aussi membre de comités de pilotage de programmes à l’OMS Genève ou au Caire, et conseiller mandaté pour conduire des missions dans plusieurs pays endémiques en méditerranée orientale, travaillant aux côtés d’autres experts, responsables des programmes tels que Dr. Thomas Nchinda, Dr. Philippe Desjeux, Dr. Farrokh Modabber, avec lesquels ses relations étaient excellentes. 

L’une de ses premières actions, à l’Institut Pasteur de Tunis, fut l’organisation d’un cours régional de formation sur les leishmanioses, mandaté par l’OMS-EMRO, qui avait mobilisé des formateurs de renom dont feu Bob Killick-Kendrick et son épouse Mireille, Dr. Luigi Gradoni, Dr. Marina Gramiccia, où nous avions sillonné plusieurs régions du pays (Sidi Bouzid, Kairouan) posant des pièges à phlébotomes, capturant des rongeurs, et prélevant des chiens. Il fut aussi à l’origine d’un grand projet de lutte national contre la leishmaniose cutanée zoonotique à Sidi Bouzid, exemplaire par son caractère holistique et multisectoriel, approche reprise par d’autres pays de la région tels que l’Algérie ou la Jordanie. Parmi ses projets, on notera en 1991, un projet institutionnel fédérateur et multidisciplinaire incluant outre son équipe, l’équipe d’immunologie, dirigée par Pr. Koussay Dellagi, sitôt rejoint par Dr. Hechmi Louzir fédérant ainsi les forces en place à l’Institut Pasteur de Tunis. Ce projet financé par le programme spécial TDR de l’OMS « Etudes épidémiologiques et immunologiques des leishmanioses zoonotiques (viscérale et cutanée) dans deux foyers pilotes en Tunisie », plus connu à l’Institut sous le code TUN02, a soutenu la formation par la recherche de plusieurs médecins, chercheurs, étudiants en Thèses de science et en DEA, dont un grand nombre sont maintenant des chercheurs actifs établis à l’Institut Pasteur de Tunis et ailleurs. Cette fédération s’est étendue à d’autres projets d’envergure régionale ou internationale portant sur les leishmanioses, l’hydatidose, et autres maladies parasitaires. Il fut notamment le directeur du centre collaborateur de l’OMS pour la recherche et formation en matière de leishmanioses, accueillant en stage au laboratoire une pléthore de personnel de santé ou de chercheurs provenant des pays de la région méditerranée orientale. Il a aussi organisé à l’IPT de nombreuses réunions stratégiques notamment en 1993 la réunion du comité de pilotage RCS (research capacity strengthening) du TDR, ainsi que la réunion du réseau Euroleish du programme STD3 de l’union européenne. 

Le Professeur Ben Ismail a aussi élevé son laboratoire de recherche au rang de structure de recherche nationale, l’une des premières, contractée en 2000 par le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique dans le cadre de la structuration des laboratoires et unités de recherche, le LR00SP04. Par l’évolution dynamique de son laboratoire par ses disciples de la première heure, ont émergé le service de laboratoire en Epidémiologie Médicale (dirigé par Pr. Afif Ben Salah), et le laboratoire de recherche en Epidémiologie Moléculaire et Pathologie Expérimentale appliqué aux maladies infectieuses, LR11IPT04 (dirigé par Pr. Ikram Guizani) ralliant d’autres valences au groupe. Les interactions se poursuivent à travers les projets du Centre d’investigation Clinique de l’Institut Pasteur de Tunis.

A la suite du départ du Pr. Marie Françoise Kennou, il a pris la direction du laboratoire de Parasitologie Clinique qui a été repris par Pr. Aida Bouratbine, aussitôt rejointe par Dr. Karim Aoun, lorsque Pr. Riadh Ben Ismail a été mandaté au Caire.

En octobre 2001, il intégre le bureau régional de l’OMS en Méditerranée Orientale (EMRO) pour mettre son énergie et son ample expertise au service de l’unité des maladies tropicales négligées (NTD) étendant aussi son champ d’action et son impact à d’autres maladies infectieuses négligées qui affectent la région (leishmanioses, schistosomiases, helminthiases, etc), plaidant sans relâche la cause de leur élimination ou de leur éradication.  A la fin de son mandat, il réintègre l’IPT en 2016, à la demande du Pr. Hechmi Louzir, pour diriger le Centre d’Investigation Clinique de l’Institut Pasteur de Tunis jusqu’à son départ à la retraite en 2018. Il continuera néanmoins à servir, jusqu’en 2020, la communauté internationale comme membre respecté du conseil stratégique et technique de l’OMS (STAG for NTDs) pour la lutte contre les maladies négligées. 

Nous gardons de lui le souvenir d’une personne très humaine, brillante, généreuse, d’une extrême sensibilité, portant un intérêt à toutes sortes de choses, ayant un humour à toute épreuve et un esprit fin, aimant les choses simples, la bonne nourriture, et le partage de son énergie, son savoir, ses expériences, une anecdote ou un trait d’humour. Nombreux nous sommes à utiliser sa fameuse « Tounes dima reb7a » en réponse à des situations particulières. Pour citer Pr. Koussay Dellagi, « il a été le meilleur d’entre nous tous. Un Juste ».

Originaire des iles Kerkennah, très attaché à sa famille et à son terroir, en bon père de famille, Si Riadh était aussi très investi dans l’éducation de ses 3 fils et leur bien-être. C’est sur cette terre natale qu’il repose désormais, laissant derrière lui un héritage et un impact indéniables. 



 

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